L’affaire Bisaillon c. Bouvier : L’exception du principe de confidentialité en matière de médiation familiale

Le processus de médiation est confidentiel. En principe, tant les parties que les tiers qui les assistent s’engagent à préserver la confidentialité de ce qui est dit, écrit, ou fait dans le cours du processus. Celle-ci est codifiée à l’art. 4 du Code de procédure civile du Québec.

Le privilège relatif aux règlements est une règle de preuve qui vise à favoriser les discussions franches et ouvertes entre les parties. La Cour suprême du Canada confirme que ce privilège de la common law fait partie du droit civil du Québec (Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc.2014 CSC 35). Le privilège relatif aux règlements nous rappelle qu’une communication qui a conduit à un règlement cesse d’être privilégiée si sa divulgation est nécessaire pour prouver l’existence ou la portée du règlement. Il s’agit de même d’une exception du principe de confidentialité en matière de médiation en générale.

Dans l’arrêt Union Carbide, la Cour suprême nous enseigne que, en matière de médiation, les parties peuvent par contrat se doter d’exigences supérieures pour protéger la confidentialité des communications au cours de médiation en écartant l’exception du privilège de confidentialité (paragrs. 29, 39 et 54 de l’arrêt Union Carbide). Dans la mesure où elles n’ont pas écarté contractuellement l’exception du privilège de confidentialité, les parties peuvent toujours mettre en preuve le contenu de ces échanges lorsque cela est nécessaire pour démontrer qu’une entente a été conclue lors du processus.

Dans l’arrêt Bisaillon c. Bouvier2020 QCCA 115, la Cour d’appel du Québec nous offre deux motifs distincts sur la question du principe de confidentialité de médiation familiale pour motiver le jugement. L’honorable François Doyon estime que l’arrêt Union Carbide, qui est rendu dans le contexte d’une médiation commerciale, ne permet pas de répondre à la question de confidentialité de la médiation familiale (paragr. 5 de l’arrêt Bisaillon c. Bouvier). L’honorable Marie-Josée Hogue insiste que les motifs énoncés dans l’arrêt Union Carbide pour justifier l’existence de l’exception d’une entente sont aussi valables en matière de médiation familiale (paragr. 85 de l’arrêt Bisaillon c. Bouvier). Malgré le désaccord sur ce sujet, les juges conviennent que le pourvoi de la Madame doit échouer.

Les faits pertinents

D’avril 2009 à juillet 2012, les parties ont vécu en union de fait.

En juillet 2012, la Madame Bisaillon et le Monsieur Bouvier se séparent.

À compter du mois d’août 2012, après avoir signé la convention-type proposée par l’Association de médiation familiale du Québec, ils participent à cinq séances de médiation. La convention-type comporte la disposition suivante:

        « Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve    devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément. » [Soulignement ajouté]

En décembre 2012, le médiateur rédige un « résumé des ententes de médiation ». Il le transmet aux parties en les invitant à communiquer avec lui si elles constatent des erreurs ou des omissions. Le résumé fait état «d’un engagement à verser à assumer seul le solde de l’emprunt hypothécaire relatif à la résidence et de verser à Mme Bisaillon 60 000 $ en contrepartie de la cession de tous les droits et intérêts qu’elle détient dans l’immeuble ».

Aucune des parties ne communique avec le médiateur. Elles ne le signent pas ni ne font rédiger d’entente « formelle ».

Le 14 janvier 2013, le Monsieur transmet un courriel et fait un chèque de 5 000 $ à la Madame sur lequel apparaît la mention « remise selon médiation ». La Madame répond le courriel en disant « pour le chèque ... tu m’As donner 5000 … je croyais que c’était 20000 pour janvier. Peut-être que c’est pcq tu vas me donner la balance la sem prochaine…donne moi des nouvelles. » La Madame encaisse le chèque.

Le 28 janvier 2013, le Monsieur transmet quelque courriel et fait un chèque de 10 000$. La Madame encaisse le chèque sans objection.

Le 11 février 2013, le Monsieur fait un autre chèque à la Madame. La Madame encaisse le chèque sans objection.

En septembre 2013, la Madame fait une demande de garde exclusive des enfants. Ensuite, la relation entre les parties se détériore.

Le 6 octobre 2014, la Madame dépose une demande en partage judiciaire de la résidence familiale. Elle réclame également une indemnité aux termes de l’art. 1016 du C.c.Q.

Le Monsieur rétorque en invoquant l’existence d’une entente. La Madame présente un moyen d’irrecevabilité.

Le 21 octobre 2015, l’honorable Francine Nantel rejette le moyen de non-recevabilité.

En juin 2017, lors de l’audience au fond, la Madame s’oppose de nouveau au dépôt en preuve du résumé des ententes et à la preuve testimoniale des échanges intervenus dans le cadre de la médiation. Elle s’appuie de nouveau sur le principe de confidentialité et sur les termes de la convention de médiation. Ces objections sont prises sous réserve lors de l’audience.

Le 18 août 2017, l’honorable Benoît Moore rejette les demandes de la Madame dans le cadre du jugement. La Madame se pourvoit à l’encontre de ce jugement devant la Cour d’appel du Québec.

Le 27 janvier 2018, la Cour d’appel rejette l’appel.

La question en litige

Le « Résumé des ententes de médiation » et tout autre document ou discussion s’y rapportant qui émane de la médiation sont-ils admissibles en preuve ou sont-ils protégés par la confidentialité du processus de médiation?

L’analyse

Selon l’arrêt Union Carbide, dans la mesure où les parties de la convention de médiation ne se sont pas dotées d’exigences supérieures en matière de confidentialité, les parties peuvent toujours mettre en preuve le contenu de ces échanges lorsque cela est nécessaire pour démontrer qu’une entente a été conclue lors du processus selon l’exception du privilège relatif aux règlements.

En l’espèce, la clause de confidentialité dans la Convention-type proposée par l’Association entre la Madame et le Monsieur n’a pas écarté l’exception du privilège relatif aux règlements. Ainsi, le juge Hogue confirme que le « résumé des ententes de médiation » et les communications sont admissibles en preuve « pour établir que le processus de médiation a porté fruit en ce qu’il a abouti à une entente entre les parties » comme ce privilège de la common law et son exception font partie du droit civil du Québec (paragr. 40 Bisaillon c. Bouvier, 2017 QCCS 3788; paragr. 45 Bisaillon c. Bouvier2020 QCCA 115 ; paragr. 54 Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc.2014 CSC 35).

Contrairement à sa collègue, le juge Doyon estime que la règle de confidentialité devrait être inversée en matière de médiation familiale : l’exception au privilège relatif aux règlements ne s’applique pas, sauf si la preuve démontre que c’était le vœu des parties (Paragr. 17 de l’arrêt Bisaillon c. Bouvier). Le juge Doyon insiste que la Convention-type de l’Association en l’espèce et le contrat de médiation dans l’affaire Union Carbide ne sont pas identiques et que la médiation familiale devrait recevoir un traitement distinct de la médiation commerciale. L’interprétation du contrat de médiation doit être centrée sur l’intention des parties. Pour connaître cette intention, il faut tenir compte «de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu » (art. 1426 C.c.Q.) Alors, il faut considérer que l’État a toujours insisté sur le caractère confidentiel des échanges au cours de la médiation. De plus, comme la partie de médiation familiale ne peut pas être représentée par un conseiller juridique pendant les séances de médiation (art. 617 (1) C.p.c.) Il serait illusoire de prétendre qu’un profane, qui est en processus de séparation ou de divorce, connaisse la nécessité d’exclure l’exception du privilège relatif aux règlements de façon claire s’il ne veut pas qu’elle s’applique.

En outre, le juge Doyon et le juge Moore estiment que les échanges entre la Madame et le Monsieur après la médiation constitue une renonciation implicite à la confidentialité. Effectivement, non seulement Madame encaisse ces chèques sans contester d’aucune façon l’existence d’une convention ou proposer un autre fondement à ceux-ci, mais elle réfère elle aussi à l’entente dans son courriel.

Même si les juges ne sont pas d’accord sur l’application du principe de confidentialité et de l’application de l’exception du privilège relatif aux règlements, les juges conviennent que les objections formulées par la Madame devraient être rejetées et qu’ainsi le pourvoi doit échouer. (paragr. 55 de l’arrêt Bisaillon c. Bouvier). 

Conclusion : que faut-il retenir?

Post-mediation communications and partial performance of the mediator’s summary of the agreement could constitute implicit renunciation to the confidentiality in certain circumstances so that they are admissible evidence to prove the existence of a mediation agreement.

Settlement privilege and the confidentiality principle in mediation are not the same, and they may in some circumstances conflict. The settlement privilege is a rule of evidence, while the other is a principle usually reflected in the confidentiality clause in the dispute resolution contract. They do not afford the same protection. Allowing parties to freely contract for confidentiality protection by contracting out of the exception to settlement privilege might prevent parties from enforcing the terms of settlements they have negotiated.

本案告诉我们,即使纠纷当事人没有签署调解协议,调解后纠纷当事人的邮件往来以及对调解员的调解内容摘要作出部分执行等行为可能构成对调解保密性要求的默示放弃。因此,这些证据将可能被加拿大魁北克法院视为“可采证据”来证明纠纷当事人已达成调解协议这一事实。

纠纷解决中的和解特权以及保密原则是两个不同的法律概念。和解特权是一种证据规则。和解特权要求纠纷当事人能对庭外和解过程中交谈的内容及收集的证据绝对保密,即如果当事人协商不成,提起诉讼,当事人不能将之前庭外和解过程中所收集到的信息成交法庭作为证据。另一方面,保密原则包括调解程序保密和调解信息保密。它要求纠纷当事人及调解员要对仲裁过程中各方所说,所写,所为进行绝对保密。这一原则旨在促进纠纷当事人在调解过程中进行真诚有效的交流,进而达成和解。

(Attention : Le but de cet article est de fournir des informations juridiques générales. Il ne reflète pas l’état du droit de façon exhaustive et ne constitue pas un avis juridique sur les points de droit discutés. Afin de minimiser les risques juridiques pour vos affaires, vous devez demander l’avis juridique d’un avocat sur toute question particulière qui vous concerne. Merci pour votre attention. ?)