L’affaire Bisaillon c. Bouvier : Le « Résumé des ententes de médiation » pourrait-il être admissible pour prouver l’acte juridique d’une valeur de $1500 + ?

La qualification juridique d’un résumé des ententes rédigé par le médiateur fait l’objet de discussions dans la doctrine et la jurisprudence. Sa nature juridique (contrat ou non) variera selon les faits de chaque affaire. Dans l’affaire Bisaillon c. Bouvier, 2020 QCCA 115, la Cour d’appel du Québec conclut que le « Résumé des ententes de médiation » n’est plus qu’un simple écrit à titre témoignage (art. 2832 C.c.Q.), reflétant la compréhension qu’a le médiateur des éléments sur lesquels les parties se sont dites d’accord. Ainsi, le Résumé en soi n’est pas admissible pour prouver un acte juridique ayant une valeur de plus de 1500 $ (art. 2862 (1) C.c.Q.). Par contre, dans l’affaire Bisaillon c. Bouvier, les échanges de courriels et de chèques entre les parties survenus après la médiation constituent un commencement de preuve par écrit rendant le « Résumé des ententes de médiation » admissible pour prouver l’acte juridique (art. 2862 (2) et art. 2865 C.c.Q.).

Les faits pertinents

D’avril 2009 à juillet 2012, les parties ont vécu en union de fait.

En juillet 2012, la Madame Bisaillon et le Monsieur Bouvier se séparent.

À compter du mois d’août 2012, après avoir signé la convention-type proposée par l’Association de médiation familiale du Québec, ils participent à cinq séances de médiation. La convention-type comporte la disposition suivante: 

            « Nous sommes informés que le résumé des ententes préparé à la fin de la médiation, le cas échéant, ne constituera ni un document légal, ni une entente exécutoire. Il servira aux conseillers juridiques qui seront retenus pour préparer les documents légaux appropriés. Nous sommes également informés que la signature du résumé des ententes produit des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est préférable d’obtenir un avis juridique indépendant avant de procéder à la signature. » 

                                                                                                [Soulignement ajouté]

En décembre 2012, le médiateur rédige le « Résumé des ententes de médiation ». Il le transmet aux parties en les invitant à communiquer avec lui si elles constatent des erreurs ou des omissions. Le résumé fait état « d’un engagement à verser à assumer seul le solde de l’emprunt hypothécaire relatif à la résidence et de verser à Mme Bisaillon 60 000 $ en contrepartie de la cession de tous les droits et intérêts qu’elle détient dans l’immeuble ».

Aucune des parties ne communique avec le médiateur. Elles ne le signent pas ni ne font rédiger d’entente « formelle ». 

Le 14 janvier 2013, le Monsieur transmet un courriel et fait un chèque de 5 000 $ à la Madame sur lequel apparaît la mention « remise selon médiation ». La Madame répond le courriel en disant « pour le chèque … tu m‘As donner 5000 … je croyais que c’était 20000 pour janvier. Peut-être que c’est pcq tu vas me donner la balance la sem prochaine…donne moi des nouvelles. » La Madame encaisse le chèque. 

Le 28 janvier 2013, le Monsieur transmet quelque courriel et fait un chèque de 10 000$. La Madame encaisse le chèque sans objection. 

Le 11 février 2013, le Monsieur fait un autre chèque à la Madame. La Madame encaisse le chèque sans objection. 

En septembre 2013, la Madame fait une demande de garde exclusive des enfants. Ensuite, la relation entre les parties se détériore. 

Le 6 octobre 2014, la Madame dépose une demande en partage judiciaire de la résidence familiale. Elle réclame également une indemnité aux termes de l’art. 1016 du C.c.Q.

 Le Monsieur rétorque en invoquant l’existence d’une entente. La Madame présente un moyen d’irrecevabilité par lequel elle s’oppose au dépôt du « Résumé des ententes de médiation ». 

Le 21 octobre 2015, l’honorable Francine Nantel rejette le moyen de non-recevabilité.

En juin 2017, lors de l’audience au fond, la Madame s’oppose de nouveau au dépôt en preuve du « résumé des ententes » et à la preuve testimoniale des échanges intervenus dans le cadre de la médiation. Elle s’appuie de nouveau sur le principe de confidentialité et sur les termes de la convention de médiation. Ces objections sont prises sous réserve lors de l’audience. 

Le 18 août 2017, l’honorable Benoît Moore rejette les demandes de la Madame dans le cadre du jugement. La Madame se pourvoit à l’encontre de ce jugement devant la Cour d’appel du Québec.

Le 27 janvier 2018, la Cour d’appel rejette l’appel.

La question en litige

Une entente est-elle intervenue entre les parties concernant le partage de l’immeuble dont elles sont copropriétaires indivises?

L’analyse

En l’espèce, le « Résumé des ententes de médiation » n’est pas un acte authentique ou semi-authentique (art. 2813 et ss. C.c.Q.). Il ne comporte pas la signature des parties (art. 2826 C.c.Q.). Il n’est pas un document constitué dans le cours normal des activités d’une entreprise (art. 2831 C.c.Q.). Il ne constitue pas un papier domestique (art. 2833 C.c.Q.) ni une mention libératoire (art. 2834 C.c.Q.). En fait, il s’agit d’un simple écrit qui rapport le fait concernant les ententes parvenues entre la Madame et le Monsieur (art. 2832 C.c.Q.). En l’espèce, le Résumé des ententes est admis en preuve à titre témoignage (Voir « L’exception du principe de confidentialité du processus de médiation familiale »).

Considérant que la valeur du litige, en l’espèce, excède 1500 $, le Résumé des ententes à titre témoignage en soi ne peut pas être utilisé pour prouver l’existence de l’entente entre la Madame et le Monsieur. Selon l’art. 2862 (2) C.c.Q., on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu’il y a commencement de preuve. En l’espèce, le commencement de preuve est la communication par écrit entre les parties après la médiation. Effectivement, non seulement Madame encaisse ces chèques sans contester d’aucune façon l’existence d’une convention ou proposer un autre fondement à ceux-ci, mais elle réfère elle aussi à « l’entente de médiation » lors de la remise du premier chèque. Alors, le « Résumé des ententes de médiation » ainsi que l’exécution partielle du Résumé après la médiation démontrent que le « Résumé des ententes de médiation » est transformé en une véritable entente (paragrs. 110 à 114 de l’arrêt Bisaillon c. Bouvier, 2020 QCCA 115). 

Conclusion : que faut-il retenir?

The legal nature (contract or not) of the mediator’s summary of the agreement will vary depending on the facts of each case. In the case of Bisaillon v. Bouvier, the Quebec Court of Appeal concludes that the mediator’s “Summary of the Agreement” is only a simple writing, reflecting his understanding of the agreement’s terms. Generally speaking, it did not bind the parties unless signed by them. Thus, the “Summary of the Agreement” per se is not admissible to prove a legal act having a value of over 1 500 $ (art. 2862 (1) C.c.Q.). However, the Quebec Court of Appeal reviewed the parties’ testimony given at the hearing and the email exchanges after the mediation. The Court concluded that the post-mediation communications constitute a commencement of proof, which enables the “Summary of the Agreement” to demonstrate the existence of the agreement (art. 2862 (2) C.c.Q.; art. 2865 C.c.Q.). In other words, the Court determined that by partially executing the “Summary of the Agreement” drafted by the mediator, the parties express their intention to transform the “Summary of the Agreement” to a binding contract (paragrs. 110 to 114, Bisaillon c. Bouvier, 2020 QCCA 115;See also Me Daniel Urbas’ Notes).

调解员草拟的调解内容摘要的法律性质(是否为合同)依据每个案件的具体事实而有所不同。在Bisaillon v. Bouvier 案中,魁北克上诉法院认为,本案中的调解员所做出的调解内容摘要没有双方当事人的签字,不是严格意义上的合同。根据魁北克相关证据规则的规定,该调解内容摘要不足以用来证明纠纷当事人已经达成调解协议这一事实。紧接着,魁北克上诉法院审查了当事人在庭审中的证人证言以及当事人在调解结束后的邮件往来。这些证据表明当事人已部分执行了调解内容摘要。上诉人也在邮件往来中以“调解协议”为由要求被上诉人交付价值近20 000加币的支票。依此,法院认为,纠纷当事人通过部分执行调解内容摘要将该“调解内容摘要”转化成了一份对当事人双方都有约束力的合同。

 (Attention : Le but de cet article est de fournir des informations juridiques générales. Il ne reflète pas l’état du droit de façon exhaustive et ne constitue pas un avis juridique sur les points de droit discutés. Afin de minimiser les risques juridiques pour vos affaires, vous devez demander l’avis juridique d’un avocat sur toute question particulière qui vous concerne. Merci pour votre attention. ?)